Lettre ouverte à Vincent Villeminot (ou ma seconde chronique de Réseau(x)...)
Cher
Vincent Villeminot,
Je me sens
aujourd’hui obligé d’écrire cet avis à la première personne pour cette
relecture du tome 1 de Réseau(x) qui
était cette fois-ci extrêmement personnelle, il m’a paru donc sincère et juste
de t’écrire à toi tout aussi directement que je parlais de ma lecture d’un
monde qui était mien, en une lettre ouverte… sur le réseau. Au crépuscule de
cette relecture qui fut, sois-en rassuré, épatante, j’aurais presque envie de
racheter un autre exemplaire pour être certain de me confronter à ces deux
lectures très différentes, en aucun cas identiques.
Il y a un peu
plus d’un an, j’écrivais sur Réseau(x)
que les « personnages et [la] narration [étaient] des points forts
malheureusement contrebalancés très rapidement, le tout [manquant] d’attachement,
d’émotion, de simplicité, d’aventure sans grande technique, sans trop de choses
en même temps. » Après tant de mois sans y plonger, puis une relecture au
milieu d’instants de ma vie assez chargés en émotion, je ne me comprends
moi-même plus.
Je tiens à
préciser que si ma lecture a duré longtemps, c’est aussi parce qu’étant très
occupé je n’ai pas pu complètement m’y glisser, et qu’en un sens cela n’est pas
directement dû à ce tome 1 qui m’a néanmoins pris du temps à décortiquer de ce
regard neuf ; appréciateur mais critique. Et finalement, le premier l’a
emporté.
En effet, en
traversant de nouveau l’univers complexe mais habile de ce roman, en arpentant
ses interstices et ses secrets entre les mots, en trouvant les passages dérobés
et les regards disséminés sous les capuches noires, j’ai l’impression d’en
avoir plus compris le sens, d’avoir trouvé les règles du jeu, ou du moins de m’en
être approché. Puis d’avoir réellement apprécié tout cela. J’ai eu du mal à
voir de nouveau ce livre comme un univers trop technique et trop rempli, mais
plutôt comme quelque chose de remarquablement complexe et extrêmement
intéressant, tant au niveau histoire, qu’au niveau des réflexions. J’avais eu le
temps de cogiter durant nos rencontres et tes conférences où tu parlais de
réseaux, de politique, de psychologie, de jeux vidéo… J’ai retrouvé tout cela
dans tes mots et ça m’a beaucoup fait réfléchir. On se regarde différemment
après une telle lecture : une autocritique sur cette vie en réseau(x), une
vue sur le monde qui nous entoure mais aussi sur la police. Bref, tout un tas
de choses qui se passe encore et toujours autour de nous mais dont on ne se
rend pas toujours compte de l’importance des réseaux dans celle-ci. Tu
critiques la police tout en en vantant les mérites informatiques, tu critiques
l’impuissance de la justice ou de la police ou de la politique dans une
alarmante chorégraphie d’actions rythmées et cavalantes, tu critiques les
réseaux dans leur pire aspect, une anticipation parfois dramatiquement et effrayamment
trop réelle, et tu critiques les jeux-vidéos, qui trouvent une non-réalité sans
sens où l’on tue des avatars et on recommence sans cesse sans conscience de ce
que l’on fait. Ca remue, en fait, ça m’a beaucoup marqué sans que je ne
comprenne pourquoi je n’avais pas, à la première lecture, vraiment saisit l’incroyable
amplitude de tes mots : ils expriment tout cela tout en exprimant plus et
il faudrait peut-être le relire beaucoup de fois avant de tout en saisir.
Puis après ces
aspects là, il y a l’aspect humain, qui est venu traverser la lecture. Cet attachement
sincère aux personnages, cette vue de l’humanité dans tout ce style
efficacement rythmé, incroyablement travaillé dans une écriture de maître, c’est
ce qui m’avait le plus manqué, je crois, dans ma première lecture, et je me
rends compte maintenant que je m’étais trompé. Au fur et à mesure de ma
(re)découverte de chacun, je trouvais une petite partie de l’humanité dans ses
forces mais surtout dans ses démons les plus poussées et ses faiblesses les
plus effrayantes. Derrière ton style parfois froid, en enquête inquiétante d’un
monde qui se lie sans cesse et dont on cherche le chaînon manquant, on trouve
les personnages dans leur introspection terrifiante ou parfois simplement
humaine, et on s’attache à eux comme à une famille. J’ai essayé de prendre soin
de Sixie, tourmentée et montrée comme torturée, et ça fait mal, j’ai voulu
aider Maud et Jérémy, jusqu’à leur défaillance, jusqu’à cette craquelure trop
importante qui craque un peu mon coeur, j’ai même aimé César dans son humanité
schizophrène, dans son humanité qu’il faut trouver derrière ses nombreux
masques.
En fait, j’ai
trouvé ce que tu m’avais dit quand j’avais fini le tome 1 « ça ne va pas
de la lumière à l’ombre, comme dans Instinct, mais de l’ombre à la lumière ».
Ca prendra peut-être bien plus de sens en lisant le tome 2, mais au fil de ma
lecture, j’ai évolué dans les ombres du monde, les ruelles désertes de notre
univers terrifiant et plein de monstres dépeintes avec tant de puissance, de
désespoir et de froideur, et j’ai tremblé devant ce chaos infâme qui a ravagé
des vies, à la fin. Et quand Sixie déclare soudain à Théo : « Qu’est-ce
qui nous est arrivés, Théo ? », c’est à ce moment là précis que je me
suis vraiment senti détruit et que toute l’émotion accumulée au cours de ma
lecture et dans ma vie au même moment est tombée d’un coup. J’ai trouvé dans
ces récits toute l’humanité dans sa déchéance mais aussi parce qu’on en voyait
toute la lumière : l’amour parfois difficile entre Maud et Jérémy, mais
aussi celui des sœurs Van de Vogh, brutalisé mais intact, comme celui lointain
d’un frère à son ami… Tu écris, dans ce chaos terrifiant, la force de la
lumière, et ça fait aussi du bien si on arrive à la détecter.
Enfin, voilà,
tu as finalement réussi, avec tes mots, avec tes personnages fouillés, avec tes
intrigues qui se lient et se délient en un panel épatant, avec tes réflexions
poussées, assumées parfois terrifiantes mais aussi par leur véracité, à m’émouvoir,
et à me plaire. Ce roman, d’une complexité talentueuse, et d’une profondeur
parfois terrifiante, ou parfois touchante, est une vraie réussite… sois-en
fier.
Ton fidèle
lecteur,
Tom
La guerre est déclenchée, sur le web et dans le monde réel. Sur les réseaux chacun pensait connaître chacun. Chacun surveillait, espionnait, aimait chacun. Mais désormais, trois guerres sont déclenchées, sur le web et dans le monde réel. Et Sixie est l’enjeu, le butin, le gibier de tous les combattants
Par Vincent Villeminot
Aux Nathan Jeunesse
16,50€
448 pages
16,50€
448 pages
Cette lettre est tout simplement... Sublime♥ Elle donne envie de plonger dans cet univers inquiétant, et d'essayer de ressentir ce que tu as vécu ! Les phrases, les mots que tu as employé... C'est magnifique *-*
RépondreSupprimerMerci beaucoup, c'est très gentil, n'hésite pas à découvrir cette belle série... très forte !
SupprimerBon, je me suis fixé comme règle presque absolue de ne jamais répondre sur leurs blogs à mes lecteurs, concernant leurs critiques, sévères ou enthousiastes. Mais là, c'est un peu différent, puisque ta lettre ouverte m'est (aussi) adressée. Comme je te l'ai dit tout à l'heure sur la page FB, on espère toujours qu'un lecteur et un livre qui se sont ratés finissent par trouver une occasion de se recroiser.
RépondreSupprimerQue cela ait pu arriver au bon moment dans ta vie est un heureux hasard de plus…
Merci pour ça, Tom, cette seconde chronique, ta lecture, toutes tes lectures. Et pour tous les moments d'amitiés partagés en salon.
Vincent
Les règles sont faites pour être dépassées ! Merci beaucoup de te permettre cette liberté pour ma chronique qui est en effet un peu spéciale et qui, si elle utilise la première personne pour décrire des émotions, utilise aussi la seconde pour t'adresser ces mots...
SupprimerMerci à toi aussi, et à bientôt pour la suite. Et pour d'autres aventures !
Tom
Je vois que Vincent Villeminot reste proche de ses lecteurs, c'est beau et c'est rare, la classe !
Supprimeron voit le mec qui assume pas ce qu'il a écrit avant et qui essaye de se rattraper pour sauver des intérêts odieux !
RépondreSupprimerOu le mec qui a simplement relu un livre, déçu de sa première lecture mais ayant choisi de laisser une seconde chance au roman, et qui l'a beaucoup aimé, sûrement parce qu'il a évolué !
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