D'une seule voix, qu'est-ce que c'est ? Entretien avec François Martin, éditeur
Entretien avec François Martin, éditeur d'Actes Sud Junior, qui dirige aujourd'hui avec Thierry Magnier la collection D'une seule voix. A travers cette chronique parcourue des réponses de celui-ci, cela me permet de vous livrer l'histoire de la collection et une critique de celle-ci en générale... Bonne lecture !
D’une seule voix, naissance et genèse
« La collection est née en
2007 sur une idée de Jeanne Benameur [à droite] qui l’a ensuite dirigée avec Claire David [à gauche].
L’idée partait vraiment de quelque chose auquel elle tenait beaucoup : pour
elle, le monologue intérieur est une forme extrêmement bien adaptée à
l’adolescence. Période de rébellion désordonnée ou de mutisme dans sa chambre
avec un sens interdit sur sa porte, c’est un moment où le trop plein d’émotion qui
lui est propre a du mal à trouver son chemin. Il était donc intéressant pour
elle, et pour Actes Sud Junior, de demander à des auteurs d’écrire des textes
courts pour restituer cette parole forte née d’une émotion. »
La collection naît donc sur ce
désir d’offrir à l’adolescent les mots qu’il ne trouve pas, qu’il cherche,
qu’il estime sans réussir à les formuler. L’idée de Jeanne Benameur et d’Actes
Sud, dans une littérature jeunesse qui se doit de relever certaines missions, ajoute
François Martin, est d’apporter à ces jeunes là un refuge tout comme une
ouverture : un cri, un souffle, une voix. « Jeanne Benameur tenait
beaucoup à ce souffle » précise-t-il.
« Finalement, avec des
textes à la première personne proches du récit ou dans le monologue théâtrale,
c’est une forme courte et exigeante. On suit le cheminement d’une pensée, jeune
adulte, garçon ou fille, qui cherche à son chemin, qui a du mal à exister. »
En fait, le plus souvent, ce sont
des personnages marginaux, rejetés, et les mots les sauvent, les reprennent.
« La question du langage est fondamentale », explique François
Martin, « pour arriver à mettre en forme, en symboles les tourments
intérieurs. Il est vrai, il est souvent question de sentiments noirs, de choses
difficiles mais il y a aussi des textes lumineux, drôles qui sont
néanmoins plus difficiles à trouver. Jean-Philippe Blondel avec Un endroit pour
vivre par exemple est vraiment dans la vitalité, dans l’optimisme. »
Finalement, c’est aussi un des buts de la collection, semble-t-il : de
trouver des textes qui amènent de l’espoir, de belles choses : être
ensemble, par exemple.
Le travail éditorial
Le choix des textes
« Ce ne sont pas du tout des
textes de commande » répond François Martin quand je lui pose cette
question. « Le début de la collection s’est d’abord fait avec des
sollicitations de nos réseaux. Claire David dirige la collection Papiers
(collection théâtrale d’Actes Sud) donc elle a emmené des auteurs de théâtre,
Jeanne Benameur a sollicité des auteurs de littérature estampillée
jeunesse (par exemple Bernard Friot), ou de littérature générale
(Valentine Goby), et j’ai moi-même emmené des auteurs avec qui j’avais déjà
travaillé : Camille Tardieu, Thomas Scotto, Gilles Abier.
Mais on a de plus en plus de
propositions spontanées qui, même s’ils tombent souvent à côté avec des textes
trop longs, ou trop proches du récit pur et dur, s’y dirigent car la collection
a une très bonne réputation. »
La particularité du travail éditorial
Effectivement, la collection
apporte un travail éditorial qui est fort : un travail sur le style, le
souffle, la théâtralité qui fait de cette collection jeunesse une collection
riche, sensible, avec un vrai travail littéraire derrière qui donne à la
jeunesse sa légitimité et son intelligence.
« On ne lit pas
systématiquement à voix haute mais on le fait sûrement chacun de notre côté.
Les deux derniers de la collection Tout
foutre en l’air et High Line [dont
nous reparlerons sur le blog] se prêtent parfaitement à ce jeu-là »
explique François Martin. « On aime assez l’idée que sur des salons il y
ait des lectures, des rencontres où des auteurs comme Thomas Scotto mettent en
place leur propre texte. »
Parce que c’est aussi là que
réside toute la force de la collection : ce sont des récits courts,
envolés, qui se destinent à être lus d’une traite, et pourquoi pas à voix
haute, mis en scène, lus, chuchotés, criés, hurlés… La collection donne aux
mots une vraie valeur orale, car ils prennent, dans l’atmosphère qui nous
entoure, tout leur sens, et collent ensuite à notre peau comme une seconde
nature… et ça marche à tous les coups.
Un peu de relooking
« On a eu un grand
re-travail graphique de la collection il y a peu. On a eu besoin de
relooker car une collection finit par avoir un style qui s’étiole, un
principe graphique qui s’épuise. Donc il y a eu un relookage avec l’importance
d’une mise en miroir des pages, le calcul des marges, les interlignages, le
corps des caractères … Tout cela dans un simple but : qu’on puisse tenir
son livre entre son pouce et ses doigts, ouvert. Mais l’objet est aussi plus
séduisant, plus en accord avec le prix (qui a augmenté de 1€ mais on ne peut
pas faire moins car le livre est inscrit dans un contexte économique et dans
une image de vie littéraire, en rapport avec Actes Sud même), avec un plus
grand format, et qui s’intègre plus fortement dans les autres collections
d’Actes Sud et notamment en littérature générale. » L’éditeur ajoute alors
qu’il « estime que certains textes de cette collection pourraient tout à
fait être dans un rayon de littérature dite adulte. »
En conclusion, D’une seule voix
c’est un « format particulier avec une exigence » unique. La volonté
d’une certaine « densité, intensité, force. » D’une seule voix, comme
l’a expliqué François Martin, c’est une collection au fonctionnement collégial,
avec une envie réelle d’offrir aux adolescents un lieu, des mots en fait pour
qu’ils se comprennent, grandissent, crient… D’une seule voix c’est une
collection à découvrir d’urgence !
Oh oui, il faut découvrir ou relire d’urgence cette collection parce qu’elle embrasse toutes les émotions possible. Merci donc d’en parler ici…d’être aussi une voix qui fait passer cela.
RépondreSupprimerBien sûr, je suis très heureux de voir mon titre et ceux des autres amis…
Mais je voulais absolument y ajouter une absente magnifique…
Avec « Rien que ta peau », « Cinquante minutes avec toi et « Pas couché », Cathy Ytak doit être celle qui compte le plus de titres dans la collection.
Comme le dit François Martin, je fais souvent des lectures à voix hautes et justement son « Cinquante minutes avec toi » ! Pour la dureté, la force et tout le désir de vie solide que Cathy insuffle dans ses textes.
Et puisque le plaisir de lire n’arrive pas toujours tout seul…avec Cathy et Gilles Abier, nous faisons même des lectures à trois voix pour faire découvrir la musique de ces textes singuliers.
Merci encore et belle vie.
Thomas Scotto
Merci pour votre commentaire ! Je note l'auteure car je n'ai pas lu ses livres encore... Merci à vous de vos remarques et vous pouvez aussi remercier votre éditeur François Martin.
SupprimerJ'adorerais vous entendre lire à voix haute... Peut-être aurons-nous l'occasion de nous croiser. A Aix ?
A très bientôt, merci à vous et belle vie aussi.
Tom L.
Avec plaisir Tom !
SupprimerWahou, super article Tom ! :D Du coup, tu me donnes envie de revivre Cheval Océan...
RépondreSupprimerMerci c'est adorable ! Ouais moi aussi ! Hâte qu'on se lise les autres sur la plage :)
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