"Si, un jour, la célébrité vous tombe dessus comme la fiente d’un pigeon sur la tête : fuyez."


La pyramide des besoins humains est l’histoire d’un jeune sans abri qui va voir sa vie changer du tout au tout une fois plongé dans un nouveau jeu de téléréalité. Le prologue donne le ton : cassant, avertissement frissonnant qui touche et questionne. L’intrigue est lancée ; le tout commence comme ça, dans la simplicité d’une langue dure, et dans la complexité d’un monde trop grand pour un enfant des rues.

C’est d’abord ce portrait touchant que l’auteure dresse avec sincérité et justesse. Celui froid mais attachant d’un adolescent à la rue. Elle nous plonge dans son quotidien, ses forces et surtout ses faiblesses, ses doutes et ses peurs, ses très peu nombreuses joies et ses grandes peines. Elle dépeint le mode de vie difficile mais réel d’une humanité bafouée, détruite, éteinte. C’est à travers ce personnage qu’elle parle très vite de notre société, à travers un regard juste, neuf, et cassant. Elle prend du recul, et s’en moque, ou s’en alarme, avec ce ton toujours acerbe, mais aussi très humain ; on sent aussi l’espoir.

                Finalement, Christopher Scott, au détour d’un cybercafé, découvre le nouveau jeu télévisé qui fait parler de lui : La pyramide des besoins humains. C’est un concept orginal avec 15000 participants qui se font éliminer au fur et à mesure des étapes de la pyramide des besoins humains établie par Maslow. Très vite, notre héros s’inscrit et se retrouve plongé dans un monde de superstar… terrifiant, et souvent abject.

                C’est ici que l’auteure réussit un coup de maître : se moquer de cette société de l’image, qui au lieu de se construire, de forger une identité, se bâtit entièrement sur une image. Est-on plus que notre photo sur notre iPhone ? Quelle est cette personne qui nous fait face ? Existe-t-on par ou même pour cette image ? Avec un ton acerbe, dur, Caroline Solé pose ces questions et réfléchit au devenir de nos sociétés face à ces évolutions. Elle réfléchit aussi au but de tout cela, à la construction de son humanité quand on vit parmi ces technologies, ou dans cette course perpétuelle et superficielle à la célébrité.

                Mais c’est aussi de la pyramide de Maslow que Caroline Solé se moque. Avec Christopher Scott, elle réfléchit à cela et questionne avec vigueur cette hiérarchie : une personne privée de confort, privée de matériel, d’amour, d’amis, ne peut donc pas vraiment être humain ? Tout humain ne peut-il pas s’épanouir, sans ces obligations construites par une société qui ne laisse de place qu’à ceux qui s’y conforment ? Ce sont aussi ces problèmes-là, qu’elle montre avec brio.

                Caroline Solé entre de manière efficace et détonnante à L’école des loisirs avec son premier roman : La pyramide des besoins humains. Son intrigue est efficace, le rythme essoufflant et effréné, et les personnages construits avec une grande minutie et une justesse sans faille. On s’y attache, jusqu’à la fin. Le style de Caroline Solé, lui, n’a rien à envier aux plus grands de la maison : il est singulier, vif et élancé. Elle nous promet un œuvre singulier en peignant ici la fresque alarmante d’une société à l’égocentrisme prédominant et celle de la construction fausse de son image. Et tout ça avec une plume dure, qui n’épargne pas. C’est acéré, et bouleversant.



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Par Caroline Solé
Aux éditions L'école des loisirs
124 pages
12,80€
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"Un peu comme les jeunes qui se filment avec leur portable : celui qui vit, c'est celui qui a sa tête sur l'écran et que tout le monde regarde, ou celui qui se prend en photo ?" p35
"Il paraît qu'on ne choisit pas sa famille. On décide quand même un peu de venir au monde ou pas ? A mon avis, on sort du ventre seulement quand on sait qu'on peut y arriver. Quelles que soient les épreuves qui vont nous tomber dessus, on avait senti qu'on pourrait les supporter. Pour cette raison, ce jeu ne me fait pas peur. Pas complètement. Les niveaux de la pyramide, je peux les franchir, sinon je n'aurais jamais quitté le placenta. "T'es qu'un fêlé", les autres disent, tout le temps. Et je leur réponds, la mâchoire et les poings serrés : "Et toi, hein ? Et toi ?" Parce que des fissures, j'en vois partout, chez les paumés comme chez les passants. On est peut-être tous des fêlés qui n'ont pas choisi leur famille, mais qui ont choisi de vivre, et qui l'oublient." p70
"Comment se forger un destin ?" p105

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