Le feuilleton de l'été #2 | 17 auteurs + 1 belette = 1 grand cadavre exquis
Le feuilleton estival de La Voix du Livre : un grand cadavre exquis écrit par 17 auteurs ! Partie 2
Pour les 6 ans du blog, j'ai vu les choses en grand ! J'ai cherché quelque chose d'original, chouette, littéraire... J'avais envie de vous surprendre, de m'amuser, de continuer à défendre la littérature que j'aime et les auteurs que j'admire. Alors une ampoule s'est allumée quelque part dans les tréfonds de mon esprit et, effrayée par la lumière, une idée folle a surgi.
Pour le mois d'août je vous propose donc de lire, chaque semaine, en 4 chapitres, un grand cadavre exquis écrit par 17 auteurs ! 17 écrivains drôles, poétiques, touchants, sincères... Bref, 17 écrivains talentueux et incontournables !
Le cadavre exquis, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un exercice d'écriture surréaliste qui consiste à écrire à plusieurs un texte sans que chacun ne voit ce que tout le monde a écrit. C'est à dire, dans le cas précis de ce cadavre exquis, un auteur écrit la suite de l'histoire mais en ne voyant que le morceau écrit par l'écrivain le précédant. Ainsi, si JK Rowling écrit le début de l'histoire et qu'Antoine de Saint-Exupéry écrit la suite, Suzanne Collins, qui arrive en troisième, ne voit que ce que Antoine de Saint-Exupéry a écrit.
Bon, et LA question essentielle dont vous attendez tous la réponse c'est : "Qui a participé à ce fabuleux écrit absurde ?" Les auteurs participants sont donc, dans l'ordre alphabétique : Pauline Alphen, Gaël Aymon, Clémentine Beauvais, Anne-Laure Bondoux, Orianne Charpentier, Florence Hinckel, Taï-Marc Le Thanh, Jean-Luc Marcastel, Carole Martinez, Pascale Maret, Bertrand Puard, Carina Rozenfeld, Thomas Scotto, Stéphane Servant, Séverine Vidal, Vincent Villeminot, Cathy Ytak.
Chaque mardi, jusqu'au mardi 23 août,
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Partie 2
Les auteurs participants, dans l'ordre alphabétique, sont
Orianne Charpentier, Pauline Alphen, Cathy Ytak, Thomas Scotto et Gaël Aymon.
Partie 2
Les auteurs participants, dans l'ordre alphabétique, sont
Orianne Charpentier, Pauline Alphen, Cathy Ytak, Thomas Scotto et Gaël Aymon.
Le promeneur sembla se décomposer. Il recula d'un pas. Mais le chien, lui, se lécha les babines.
— Qu'est-ce que c'est ?, demanda-t-il – et sa grande queue touffue giflait ses flancs avec enthousiasme.
— Au pied !, cria le promeneur. Il y a probablement un piège !
— Mais non, pas du tout, protesta l'homme à la valise en la secouant légèrement (l'objet s'immobilisa aussitôt, comme rappelé à l'ordre ; il y eut un épais silence, à peine troublé par un staccato ténu – le promeneur s'était mis à claquer des dents).
— Tiens, reprit l'homme à la valise avec un sourire sarcastique, on dirait qu'on fait moins le malin, maintenant.
Sa lassitude s'était évanouie.
— Franchement, les amis, je me fiche de l'existence des fantômes comme de ma première valise, mais ce que contient celle-ci, je peux vous dire que c'est tout ce qu'il y a de plus réel.
Et tout en disant cela, il écartait du pied le chien, qui s'était approché à pas prudents pour renifler la valise.
— Nom d'une belette !, aboya soudain l'animal, comme s'il avait flairé quelque chose.
Il ouvrit une large gueule, dévoilant ses crocs, et personne n'aurait su dire si c'était un sourire ou une menace.
— Sors de cette valise, chienne ! aboya le chien – ce qui dans sa gueule était sinon un compliment du moins la reconnaissance d'un autre soi-même. Sors de cette valise et viens enfin à moi !
La valise s'immobilisa. Aucune chienne – au sens propre ou au figuré – n'aime être interpellée de la sorte. Le chien gémit, aboya. Rien n'y fit. De guerre lasse, il leva la patte. L'homme à la valise n'eut que le temps de faire un bond en arrière.
C’était bien sa veine… Tomber sur un chien idiot à l’odorat dévoyé… Sinon, comment expliquer que ce corniaud à poils longs aboie aussi fort et s’excite sur sa valise au point de vouloir pisser dessus ?
L’homme le savait depuis le départ, pourtant. Cette idée de transporter, clandestinement, six belettes empaillées, volées la nuit précédente dans le cabinet de curiosités de l’Hermione, ne pouvait être que mauvaise. Il tenta de repousser le chien une dernière fois, en vain.
Trop de gyrophares, trop de sirènes au loin…
Tout ça à cause d’un marin rencontré à Rochefort, à La voix du livre, une de ces librairies interlopes qui bordent les quais et où les matelots viennent échouer, immanquablement, ivres de mots, poèmes au bord des lèvres… une écume de jours consumés…
Cet homme, la démarche chaloupée de ceux qui passent plus de temps en mer qu’à terre, était venu à sa rencontre et lui avait dit :
— Six belettes assassinées pour six cents euros… Risque minime, presque un voyage d’agrément. Es-tu d'accord ?
Non.
Il n'était pas d'accord.
Au début il n'était pas d'accord.
Peut-être parce que dans le mot « belette » il avait deviné autre chose qu'un petit animal au pelage brun et blanc. Quelque chose de plus grand. Quelque chose de plus humain.
« Je suis la belette de personne », elle disait ça l'actrice de son film préféré. Avec une petite moue si triste qu'il en retombait amoureux à chaque visionnage. Alors si c'était bien l'horrible marché du marin, tuer six vivantes aussi belettes qu'une actrice et pour six cents euros... autant dire rien, il y avait franchement de quoi frissonner d'un monde à la dérive.
Non.
C'était ce qu'il avait trouvé de mieux à dire. Ça, et tourner les talons.
— Bon...deux minutes de plus et je commençais les sushis sans toi ! Qu'est ce t'as foutu tout ce temps sur le port ? T'as sauvé des baleines....?
Les baleines ! Oui, cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas été voir les baleines ! Il lui aurait pourtant suffit de sortir, là, maintenant. De planter sushis et belettes pour affronter la pluie battante. Sentir l’eau fouetter son visage et imprégner peu à peu ses vêtements était presque une idée réconfortante. Bien sûr, les navettes ne fonctionnaient plus à cette heure mais, en partant tout de suite, il arriverait sans doute à temps pour les aurores boréales. Il longerait les docks jusqu’à l’embarcadère et il n’aurait plus qu’à attendre le premier départ. Une immense mélancolie s’empara de lui en même temps qu’il s’imaginait effleurer de sa main le dos des superbes cétacés. Les touristes ne seraient pas nombreux, à cette heure matinale. D’ailleurs les touristes ne venaient plus. Qui s’intéressait encore aux baleines, à part lui ?
S’abandonnant à son impulsion première, il saisit son manteau et s’engouffra dans l’escalier sans même allumer la lumière. Le bruit de ses pas s’unifiant aux battements précipités de son cœur.
— Qu'est-ce que c'est ?, demanda-t-il – et sa grande queue touffue giflait ses flancs avec enthousiasme.
— Au pied !, cria le promeneur. Il y a probablement un piège !
— Mais non, pas du tout, protesta l'homme à la valise en la secouant légèrement (l'objet s'immobilisa aussitôt, comme rappelé à l'ordre ; il y eut un épais silence, à peine troublé par un staccato ténu – le promeneur s'était mis à claquer des dents).
— Tiens, reprit l'homme à la valise avec un sourire sarcastique, on dirait qu'on fait moins le malin, maintenant.
Sa lassitude s'était évanouie.
— Franchement, les amis, je me fiche de l'existence des fantômes comme de ma première valise, mais ce que contient celle-ci, je peux vous dire que c'est tout ce qu'il y a de plus réel.
Et tout en disant cela, il écartait du pied le chien, qui s'était approché à pas prudents pour renifler la valise.
— Nom d'une belette !, aboya soudain l'animal, comme s'il avait flairé quelque chose.
Il ouvrit une large gueule, dévoilant ses crocs, et personne n'aurait su dire si c'était un sourire ou une menace.
— Sors de cette valise, chienne ! aboya le chien – ce qui dans sa gueule était sinon un compliment du moins la reconnaissance d'un autre soi-même. Sors de cette valise et viens enfin à moi !
La valise s'immobilisa. Aucune chienne – au sens propre ou au figuré – n'aime être interpellée de la sorte. Le chien gémit, aboya. Rien n'y fit. De guerre lasse, il leva la patte. L'homme à la valise n'eut que le temps de faire un bond en arrière.
C’était bien sa veine… Tomber sur un chien idiot à l’odorat dévoyé… Sinon, comment expliquer que ce corniaud à poils longs aboie aussi fort et s’excite sur sa valise au point de vouloir pisser dessus ?
L’homme le savait depuis le départ, pourtant. Cette idée de transporter, clandestinement, six belettes empaillées, volées la nuit précédente dans le cabinet de curiosités de l’Hermione, ne pouvait être que mauvaise. Il tenta de repousser le chien une dernière fois, en vain.
Trop de gyrophares, trop de sirènes au loin…
Tout ça à cause d’un marin rencontré à Rochefort, à La voix du livre, une de ces librairies interlopes qui bordent les quais et où les matelots viennent échouer, immanquablement, ivres de mots, poèmes au bord des lèvres… une écume de jours consumés…
Cet homme, la démarche chaloupée de ceux qui passent plus de temps en mer qu’à terre, était venu à sa rencontre et lui avait dit :
— Six belettes assassinées pour six cents euros… Risque minime, presque un voyage d’agrément. Es-tu d'accord ?
Non.
Il n'était pas d'accord.
Au début il n'était pas d'accord.
Peut-être parce que dans le mot « belette » il avait deviné autre chose qu'un petit animal au pelage brun et blanc. Quelque chose de plus grand. Quelque chose de plus humain.
« Je suis la belette de personne », elle disait ça l'actrice de son film préféré. Avec une petite moue si triste qu'il en retombait amoureux à chaque visionnage. Alors si c'était bien l'horrible marché du marin, tuer six vivantes aussi belettes qu'une actrice et pour six cents euros... autant dire rien, il y avait franchement de quoi frissonner d'un monde à la dérive.
Non.
C'était ce qu'il avait trouvé de mieux à dire. Ça, et tourner les talons.
— Bon...deux minutes de plus et je commençais les sushis sans toi ! Qu'est ce t'as foutu tout ce temps sur le port ? T'as sauvé des baleines....?
Les baleines ! Oui, cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas été voir les baleines ! Il lui aurait pourtant suffit de sortir, là, maintenant. De planter sushis et belettes pour affronter la pluie battante. Sentir l’eau fouetter son visage et imprégner peu à peu ses vêtements était presque une idée réconfortante. Bien sûr, les navettes ne fonctionnaient plus à cette heure mais, en partant tout de suite, il arriverait sans doute à temps pour les aurores boréales. Il longerait les docks jusqu’à l’embarcadère et il n’aurait plus qu’à attendre le premier départ. Une immense mélancolie s’empara de lui en même temps qu’il s’imaginait effleurer de sa main le dos des superbes cétacés. Les touristes ne seraient pas nombreux, à cette heure matinale. D’ailleurs les touristes ne venaient plus. Qui s’intéressait encore aux baleines, à part lui ?
S’abandonnant à son impulsion première, il saisit son manteau et s’engouffra dans l’escalier sans même allumer la lumière. Le bruit de ses pas s’unifiant aux battements précipités de son cœur.
À suivre...
Aussi bien que le premier, j'adore, j'adore ! :D
RépondreSupprimerGénial !!! :D
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