Inséparables, de Sarah Crossan, ou le talent d'une autrice coup de cœur
Pour sa plume & ses personnages inoubliables, Crossan est définitivement mon autrice anglaise préférée.
Je vous avais déjà parlé de The Weight of Water de Sarah Crossan, un roman en vers pour les jeunes et grands lecteurs (à partir de 9 ans) qui m’avait bouleversé et que j’avais conseillé dans une chronique en vers libres. J’avais donc depuis un moment One coincé dans ma pile à lire, entre le roman de science-fiction de l’autrice (Le Dôme) et les autres romans de Clémentine Beauvais qui assure la traduction de One en France. Inséparables, tout juste paru chez Rageot, m’a donc incité à ressortir ce roman des méandres de ma bibliothèque et d’enfin m’y plonger… et non sans émotion.
One est l’histoire de deux sœurs qui ont le malheur / bonheur d’être siamoises. L’histoire accumule de manière étonnante, un peu absurde, les thématiques sociales (l’alcoolisme, l’anorexie, le Sida) mais Sarah Crossan s’en sort quand même avec beaucoup de justesse. En effet, c’est l’une des deux sœurs, Grace, qui raconte leur histoire avec son caractère très finement dessiné, entre verve bien trempée (sans doute influencée par sa sœur, Tippi, qui ose dire les choses et parfois penser à elle avant les autres) et douceur fragile. Cette voix qui prend de l’assurance au fil du récit, sait dire avec beaucoup de tendresse cet amour qui se dessine plus que par le corps mais aussi par la tête et le cœur.
La grande force d’Inséparables, qui le rend touchant et particulièrement notable, est le virage que prend l’intrigue à la moitié du roman. On comprend que Grace ne va pas raconter une histoire d’amour impossible (celle avec le garçon dont elle tombe amoureuse quand Tippi et elles se rendent pour la première fois de leur vie au lycée) mais son histoire d’amour avec sa sœur. On est touchés par force du thème abordé (les sœurs siamoises) et le regard sociétal porté sur cette particularité qui permet d'aborder cette vie avec toutes ses difficultés jusqu'à l'arrivée dans leur vie d'une journaliste télévisuelle. Mais c’est la force des sentiments qui bouleverse, avec beaucoup de profondeur et, à la fin, avec puissance.
Laquelle couverture préférez-vous ? La première, personnellement !
Sarah Crossan réussit donc, dans la multitude de thèmes sociaux particuliers abordés dans le livre, à traiter d’un sujet universel qui parle à tous. Si l’autrice peut ainsi tomber dans une façon parfois trop facile de traiter ce thème qu’est l’amour entre sœurs, avec une narration parfois tire-larmes, des relations au monde édulcorées, elle sonne juste et touche progressivement de plus en plus fort.
Ses personnages sont particulièrement réussis. D'une grande force, très bien caractérisés et aux relations touchantes et piquantes à la fois. On regrette certes l'accumulation Sida-anorexie-alcoolisme-etc., mais on est rapidement séduit, notamment par les deux amis et la journaliste qui apportent fraîcheur, réflexions et teintes à la relation des deux sœurs et notamment à leur rapport au monde.
Ces thèmes forts et ces relations amicales (ou amoureuses) sont notamment essentielles dans l'appréhension de cette histoire qui échappe au pathos. Aucun personnage n'est parfait, mais toujours dans une fine et tendre nuance.
Ses personnages sont particulièrement réussis. D'une grande force, très bien caractérisés et aux relations touchantes et piquantes à la fois. On regrette certes l'accumulation Sida-anorexie-alcoolisme-etc., mais on est rapidement séduit, notamment par les deux amis et la journaliste qui apportent fraîcheur, réflexions et teintes à la relation des deux sœurs et notamment à leur rapport au monde.
Ces thèmes forts et ces relations amicales (ou amoureuses) sont notamment essentielles dans l'appréhension de cette histoire qui échappe au pathos. Aucun personnage n'est parfait, mais toujours dans une fine et tendre nuance.
La forme est moins présente que dans The Weight of Water, plus simple, moins poétique, mais participe ainsi à donner au roman cette fluidité qui le caractérise et provoque ainsi à la lecture :
- Un caractère brut émotionnel et sentimental puissant ;
- Un langage à la hauteur d’une adolescente, juste ;
- Une simplicité précieusement travaillée, avec habilité et poésie.
Le roman de Sarah Crossan confirme le talent de l’autrice : son écriture d’une grande poésie sait dire avec justesse les sentiments, à hauteur d’adolescence. Dans la complexité de la vie de cette héroïne, l’écriture est travaillée de manière épurée, (presque) jamais dans l’excès, toujours dans la douceur. C’est cette simplicité, très belle, au plus près des émotions, qui rend le roman délicat, voire bouleversant et puissant.
Ne sont-elles pas chou, toutes les deux, ces anglichettes ? (Photo piquée sur le blog de Clémentine Beauvais.)
Un petit mot sur la traduction ? Je ne saurais juger de la qualité de la traduction de Clémentine Beauvais : il faudrait faire une vraie analyse comparée pour cela. Si je fais confiance à Clémentine Beauvais sur ce genre de travail (elle est bilingue, autrice en Angleterre et en France, et autrice bien entendu d’un — magnifique — roman en vers, Songe à la douceur), j’ai aussi trouvé ce que j’ai comparé (assez rapidement) très bien traduit. On sent la recherche du mot juste et une maîtrise des vers libres très habile, très douce, qui m’a presque fait trouver la poésie de la version française meilleure que l’originale. On comprend facilement la difficulté de la traduction d’un tel roman, d’autant plus parce que l’anglais est toujours plus court que le français, et elle est ici, pour ce que j’en ai lu, brillamment réussie.
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Grace et Tippi. Tippi et Grace. Deux sœurs siamoises, deux ados inséparables, entrent au lycée pour la première fois. Comme toujours, elles se soutiennent face à l’intolérance, la peur, la pitié. Et, envers et contre tout, elles vivent ! Mais lorsque Grace tombe amoureuse, son monde vacille. Pourra-t-elle jamais avoir une vie qui n’appartienne qu’à elle ?
Je ne peux que me répéter : j'adore tes critiques. Tu réussis ici le tour de force de me donner envie de lire One tout en restant subtil, enthousiaste, nuancé, passionné. Merci pour ce blog, cette dose régulière de bonheur, de talent et de sincérité !
RépondreSupprimerMerci, merci, merci ! 😍
SupprimerOula, je vais définitivement devoir lire un livre de cette autrice, je ne la connaissais pas du tout ! D'ailleurs, je n'ai toujours pas lu un livre de Clémentine Beauvais, honte à moi... Très belle critique !
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
SupprimerBonne découverte, tu peux foncer les yeux fermés !
Fini hier non sans émotion.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le revirement, les thèmes... Il y a certes une accumulation sida-alcoolisme-siamisme (?) mais en même temps, les choses sont toutes reposées côte à côte, sans drame, en rappelant que ce sont des humains (et on oublie leurs défauts/maladies, peu à peu), de la même manière qu'on en vient à oublier que Grace et Tippi sont liées et là-dessus le roman est très fort.
Néanmoins, je reste très sceptique sur le vers libre. Autant dans Songe à la Douceur j'ai adoré, et je trouve que ça servait l'intrigue (multitude des voix, des époques, pastiches de certains genres...) mais là, à part quelques passages, je ne suis pas sûre d'avoir vu l'utilité. S'il y avait eu une organisation en miroir, un jeu sur la dualité des mots et des textes, mais même pas. Du coup, je suis un peu déçue.
J'ai aimé, mais je n'ai pas adoré. Une belle lecture, touchante, mais je crois qu'il m'a manqué un truc !
Merci de ton commentaire :)
SupprimerTu as raison, on parle bien d'humains et non d'archétypes voire de stéréotypes, c'est très plaisant.
Pour le style, je comprends ! Il faut que tu lises The Weight of Water alors...
I know I know...
SupprimerLupiot voulait me le passer ce week-end mais je suis dans les cartons T_T (une dizaine de cartons et je n'ai pas encore emballé tous les livres. Je suis désespérée.)
Arg bon courage !!!
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