PLUME PAS MON AUTEUR·TRICE !

Toi-aussi, tu aimes les auteur·trices ? Alors défends-les, affiche ton soutien sans failles, aide-les !


On est (déjà !) en novembre et, comme tous les ans, deux choses importantes se passent à ce moment-là de l’année :
  • Le SLPJ (Salon du Livre et de la Presse Jeunesse en Seine-Saint-Denis) est tout proche ;
  • L’heure pour chacun·e des bilans de l’année : lectures, résolutions, vie personnelle ou professionnelle, tout y passe !

(Vous noterez mon sens des priorités dans la vie.)

Sauf que cette année, tous les auteurs et autrices (français·es) que vous rencontrerez (ou dont vous entendrez parler) au SLPJ auront, eux·elles, un bilan annuel bien difficile à faire.

Vous savez sans doute la précarité des auteur·trices et leur difficulté à faire reconnaître leur travail (particulièrement en jeunesse). Cependant, à cause de tous les changements politiques et sociaux qui se sont produits en France en 2017, la reconnaissance du métier d’auteur·trice est plus que jamais fragilisée et leurs conditions de travail plus que jamais instables voire inexistantes.


Pourquoi les auteur·trices pataugent-ils·elles particulièrement en 2017 ?

1) À cause d'une réforme de la sécurité sociale et notamment à cause de la hausse de la CSG.
La CSG est une cotisation sociale prélevée sur tous les revenus en France. Elle vise à financer la sécurité sociale. Le gouvernement vient de décider une augmentation de cette cotisation compensée par la baisse d’autres cotisations. Mais pour les artistes-auteurs·trices, presque aucune compensation n’est prévue, puisqu'ils ne payent pas à l'origine ces cotisations réduites.
En bref ?

  • On augmente une cotisation pour en baisser d'autres et ainsi augmenter le pouvoir d'achat des français ;
  • Mais on baisse en compensation une cotisation que tout le monde ne paye pas ;
  • Donc, de manière discriminante, certains groupes professionnels comme les artistes-auteur·trices voient seulement la première cotisation augmenter.
  • Conséquence ? Leurs revenus en sont réduits.



2) À cause d’une nouvelle hausse des cotisations retraite.

Quel(s) constat(s) peut-on faire ?

1) L’état comme une grande partie de la chaîne du livre nie l’existence du métier d’auteur·trice. En ne prêtant pas attention à cette catégorie professionnelle et en refusant un amendement proposé à l’Assemblée Nationale (voir la vidéo d’à peine deux minutes où le problème est très rapidement balayé), le message semble clair : votre situation ne nous concerne pas, votre métier n’existe pas.



2) Il n’existe donc pas de conditions de travail stables qui permettraient aux auteurs et autrices d’exercer de manière sereine leur métier (j’insiste sur ce mot) sans avoir besoin de recourir à un job alimentaire (rémunérations minimum, chômage, protection sociale).

3) Plus encore, il y a un vrai problème de fond : on ne reconnaît pas le travail de l’auteur·trice, on en nie la valeur. L’auteur·trice devrait être, si ce n’est en position de force (il·elle est à l’origine de toute la chaîne du livre), égal·e à l’éditeur·trice. En effet, à partir du moment où le travail de création entre dans une chaîne de production industrielle qui génère de l’argent, il prend une autre valeur que celle symbolique et intellectuelle qu’il avait au départ : il prend aussi une valeur financière. L’auteur·trice, en tant que producteur·trice de cette chaîne financière du livre, devrait donc être reconnu·e de la même manière que tous les autres acteur·trices : un statut de travailleur·se avec de vraies conditions de travail encadrées.

Lire la tribune de Valentine Goby du 6 novembre sur Actualitté : « De toute façon, les auteurs, vous êtes des saltimbanques. » (Photo © Vinciane Lebrun-Verguethen 2017)


D’ailleurs, souvent, quand un·e auteur·trice est publié·e, il·elle ne négocie qu’à peine son contrat et se voit obligé·e de remercier l’éditeur de le·la publier parce que c’est une grande chance d’avoir été choisi·e…
Cela montre bien que tout cela est intégré par tous ceux et toutes celles qui prétendent entrer dans cette chaîne du livre : l’auteur·trice semble obtenir un cadeau, une faveur de l’éditeur·trice. Mais c’est l’auteur·trice qui fournit quelque chose à l’éditeur·trice avant tout. C’est un travail entre partenaires, et non un travail de subordonnant·e à subordonné·e.

(Image de Gilles Bachelet.)
(Attention : je reste ici dans une vision simplifiée dans l'opposition travail salarié de l'éditeur VS travail indépendant de l'auteur·trice ou illustrateur·trice. On peut la nuancer, bien entendu, avec le point de vue des travailleur·ses indépendant·es de la chaîne du livre, principalement les graphistes, fabricant·es, maquettistes, correcteur·trices, etc.).

Et la jeunesse, dans tout ça ?

Je parle depuis le début de cet article des auteur·trices en général, mais la question qui m’intéresse est plus particulièrement celle des auteur·trices jeunesse.
Pourquoi ? 1) parce que c’est la littérature qui m’intéresse le plus (sans blague ?!) et 2) parce que ces auteur·trices sont plus mal considéré·es encore que leurs collègues.
Il suffit de faire un rapide état des lieux des prix littéraires jeunesse et ados français pour le comprendre.

(Je ne veux pas démonter chaque prix cité ci-dessous, ils ont tous plus ou moins leurs vertus, mais la question de la récompense me semble assez importante pour la soulever avec tous ces exemples.)

1) Il y a beaucoup de prix non dotés en jeunesse. Parmi lesquels les plus importants et reconnus :

Dont deux prix qui ne sont pas des prix de lecteurs et lectrices (ce qui veut dire que ce sont des jurys de professionnel·les accompagnés le plus souvent d'institutions normalement compétentes et capables d'offrir une dotation).



2) Peu de prix jeunesse dotés, parmi lesquels :




3) Il y a même des prix qui dotent leur catégorie adulte et pas ou moins celle jeunesse (oui, oui) :
  • Les Imaginales par exemple.

Précision (12/11/2017) : ce n'est pas exactement le cas du prix des Imaginales. Le prix du jury des Imaginales dote la catégorie adulte comme jeunesse de 1 000 €. C'est le prix des lecteurs (écoliers, collégiens, lycéens) qui est moins doté (500 €).

4) En littérature adultes, il y a beaucoup de prix dotés et bien dotés ! Par exemple :
  • Le prix Décembre à 30 000 € (!) ;
  • Le prix Jean Giono à 10 000 € ;
  • Le prix Marguerite Yourcenar à 8 000 € ;
  • Le prix Ouest France à 8 000 € ;
  • Etc.
Par ailleurs, les prix en littérature générale qui ne sont pas dotés ont souvent une telle force médiatique que ce sont les ventes qui récompensent et mettent en avant le travail de l'auteur·trice vainqueur·e (le Goncourt par exemple, n’offre que dix euros symboliques au·à la lauréat·e mais propulse le roman dans le top 5 des meilleures ventes).

 Nos chers frères Goncourt...
* L'erreur est humaine (je suis désolé) et ce n'est pas un mais dix euros symboliques qui sont offerts chaque année au·à la lauréate ! De quoi énerver encore plus les frères Goncourt... !

Nota Bene : on aurait pu faire cette analyse sur les pourcentages et à-valoir versés aux auteur·trices jeunesse par les éditeurs qui sont moins importants qu’en littérature générale.

(Un à-valoir, kézako ? C’est une somme d’argent remise par la maison d’édition avant ou au moment de la publication du livre à l’auteur·trice dudit livre. Cet argent est une avance d’argent sur les droits que l’écrivain·e percrevra sur les ventes.

Exemple : si je publie un livre jeunesse, je peux avoir un pourcentage de 7%, c’est-à-dire que je percevrai sur chaque livre vendu 7% du prix du livre. Si mon livre coûte 10 €, je recevrai donc 70 centimes sur chaque livre vendu.
À parution du livre, pour financer le temps que j’ai passé à écrire mon livre et pour me faire vivre un peu jusqu’au prochain [c’est là qu’on se rend compte de l’absurdité de la rémunération], mon éditeur·trice me verse une avance sur ces droits. Je peux donc recevoir 1 000 € qui seront déduits de ce que je recevrai ensuite sur chaque livre vendu. Ainsi, je commencerai à recevoir 70 centimes par livre seulement quand l’accumulation de tous les 70 centimes par livre vendu auront dépassé les 1 000 € que j’aurais reçus en avance.)
Pour en apprendre plus sur le contrat d'édition, vous pouvez découvrir ce document proposé par la Charte aux auteur·trices et illustrateur·trices pour la négociation de leurs contrats.

Alors en littérature jeunesse, quels constats faire ?

1) Les créateur·trices de littérature jeunesse sont déconsidéré·es.
La question de la rémunération n’est pas que pratique (les auteur·trices ont besoin de cet argent pour vivre et donc pratiquer sereinement leur métier d’auteur·trice) elle est aussi symbolique. Ainsi, récompenser avec une bourse moins dotée ou sans bourse un.e écrivain.e jeunesse par rapport à un écrivain adulte (qui fait donc le même travail que lui·elle) c’est dire que son travail a moins de valeur.

Comment les gens voient les auteur·trices jeunesse :
(Björn, de Delphine Perret)

Comment les auteur·trices jeunesse sont en réalité (et particulièrement aujourd'hui) :
(La Révolte des cocottes, de Céline Riffard et Adèle Tariel)
Vous l'aurez compris, ils·elles en ont MARRE !
(Comme la basse-cour. Ha ha.)

2) La littérature jeunesse est donc, dans son ensemble, dépréciée.
Récompenser avec une bourse plus maigre un.e auteur·trice jeunesse du seul fait de la catégorie éditoriale dans laquelle il·elle y exerce, c’est dire que la littérature jeunesse a moins de valeur.
Ainsi, en gagnant moins, les auteurs et autrices jeunesse ne peuvent que plus difficilement se professionnaliser et se consacrer à l’écriture. L’État, les institutions, les éditeur·trices et toutes celles et ceux qui rémunèrent ou récompensent les auteur·trices semblent donc estimer qu’il y a un investissement moins fort à faire en jeunesse. Qui dit investissement moins fort dit que cette littérature en vaut moins la peine. Finalement, elle a moins de valeur patrimoniale, on ne la voit pas vivre sur le long terme puisqu’on n’investit actuellement que peu d’argent pour leurs créateur·trices.

On fait quoi du coup ?

  • On se tape la tête contre le mur en espérant que les choses aient changé quand on se réveille ?
  • On envoie des lettres de menace à tous ceux qui ne payent pas les auteur·trices ? (Non, je vous assure, ce n’est pas la bonne solution.)
  • On soutient la Charte des auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices de littérature jeunesse


La Charte est une association née il y a quarante-deux ans et qui réunit aujourd’hui plus de 1 400 adhérents. Cette association de terrain, en contact perpétuel des auteur·trices et de leurs fragilités, cherche au quotidien à :
1) Défendre la littérature jeunesse ;
2) Défendre les droits et spécificités de ses créateur·trices ;
3) Faire réfléchir ceux-ci à leur identité, leurs pratiques et les liens professionnels qu’ils tissent tout au long de leur carrière.
Néanmoins, le combat est difficile et dans cette période particulièrement préoccupante pour les auteurs et autrices de littérature jeunesse, la Charte comme les créateur·trices ont plus que besoin de NOTRE soutien.

Affiches réalisées fin 2016 à l'occasion du SLPJ pour sensibiliser le grand public à la condition précaire des auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices jeunesse.

Heureusement, il y a les lecteur·trices !

Malgré toutes les évolutions du milieu de l’édition et des conditions de travail des auteur·trices, les lecteurs sont un soutien sans faille pour les auteur·trices : nous lisons, conseillons et partageons leurs livres avec toujours plus d’enthousiasme et de passion !

Viser la lune, ça me fait pas peur ! Même à l'usure, j'y crois encore et en cœur. Des sacrifices ? S'il le faut j'en ferai, j'en ai déjà fait, mais toujours le poing levé !

Alors, nous aussi, nous avons NOS solutions et je vous propose de me suivre dans cette route !

1) Défendons la littérature jeunesse
Continuons de mettre en avant et de valoriser cette littérature qui nous tient à cœur ! Parlons-en, chroniquons-la, achetons-la, vendons-la… bref, faisons ce que nous avons toujours fait avec toujours plus de conviction et de passion !




2) Défendons ses auteur·trices
Nous pouvons continuer à lire et vanter cette littérature avec la ferveur à laquelle nous sommes habitués, mais affichons clairement notre soutien sans failles aux auteur·trices que nous défendons ! Et invitons tous ceux qui défendent aussi cette littérature à faire de même.
Partagez sur vos blogs, réseaux et autour de vous ce logo, collez le sur vos photos de profil ou sur vos murs (virtuels ou réels)… faites en sorte de rendre visible la précarité des auteurs et votre soutien à ceux-ci !




Cette cagnotte est une manière de montrer que :
  • les prix devraient être dotés,
  • que la littérature jeunesse a une grande valeur,
  • que la situation des créateur·trices est précaire
  • et que NOUS, lecteur·trices, sommes un soutien infaillible !

Si personne ne dote un prix, si personne ne fait comprendre aux publics, aux lecteur·trices, que les auteur·trices sont le maillon créateur de la chaîne du livre qui le fera sinon NOUS, LECTEUR·TRICES ?

Alors j’ose l’affirmer haut et fort, et vous invite à ma suite :
PLUME
PAS
MON
AUTEUR·TRICE !

Commentaires

  1. Merci Tom pour cet article éclairant et très bien écrit ! Il sonne juste et surtout PERCUTE ! Je partage avec conviction et surtout espoir que cela change quelque chose !

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  2. Clairement l'un de tes articles les plus aboutis, et sans aucun doute le plus éclairant ! Y a plus qu'à agit maintenant !

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  3. Merci tom pour cet article synthétique et complet. Idéal pour faire tourner l'info efficacement !

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  4. super article, Tom !
    D'autres prix dotés en jeunesse, le prix Sésame (St Paul Trois châteaux), le prix des collégiens de l'Hérault, le prix des dévoreurs à Evreux, le Prix de la Ville de la Garde).

    Bises !

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  5. Et en plus, en jeunesse, quand il s'agit d'un album, l'auteur et l'illustrateur doivent partager les fameux 7%...

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  6. Merci, très instructif ! Et très bonne initiative avec le prix !

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  7. Bonsoir, petite précision :le prix Imaginales est un prix doté dans lequel les catégories adultes comme jeunesse touchent 1000 euros, pas de différence entre catégories. Quant aux prix des écoliers, collégiens et lycéens (PIE, PIC et PIL, qui sont des prix de lecteurs et non du jury Imaginales), ils sont également dotés de 500 euros... Il faut se renseigner!!!

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  8. Du coup... ça fait une différence ?

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    1. 1000 euros : prix Imaginales adultes
      1000 euros : prix Imaginales jeunesse
      CES PRIX SONT DOTES de la même somme.


      Prix imaginales des collégiens, des lycéens et des écoliers : 3 prix DOTES de 500 euros qui répondent à un circuit parallèle.

      Donc, ton exemple n'est pas judicieux Tom.


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    2. Oui, je n'ai peut-être pas pris l'exemple le plus judicieux, tu as raison !
      Mais le circuit parallèle qui récompense la jeunesse, pourquoi n'offre-t-il pas autant ? C'est dommage aussi, non ?

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  9. Tom, je te parle de deux types de prix DIFFERENTS, et deux types de prix dotés...
    Ce qui est le but, non ?

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  10. Un article très intéressant, j’espère que les choses vont changer ce n’est pas normal que les auteurs et autrices ne soient pas mieux considéré(e)s !!!!

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    1. Merci ! N'hésite pas à partager cet article ou à participer à notre cagnotte LVDB pour participer à faire évoluer les choses et les mentalités ! ;)

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