31 chambres à soi #27 | Sophie Calle par Marine Baousson
Un portrait d'autrice par jour écrit par une femme durant le mois international des droits des femmes
À l'occasion du mois international des droits des femmes, 31 femmes d'exception vous proposent de partir durant tout le mois de mars à la rencontre de 31 autres femmes, toutes autrices, aussi talentueuses et impressionnantes que les premières.
Ainsi, chaque jour, pendant un mois, sur La Voix du Livre, découvrez un portrait d'une autrice, française ou étrangère, contemporaine ou historique, de littérature générale, jeunesse, musicale ou illustrée, écrit par une invitée, qu'elle soit autrice elle aussi ou bien illustratrice, blogueuse, chanteuse, dramaturge, comédienne, professeure, youtubeuse...
C'est parti pour un mois d'exploration de 31, voire 62, chambres à soi, ces lieux immanquables de littérature où les femmes trouvent, enfin, leur place.
Jour 27 : Marine Baousson présente Sophie Calle
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J’avoue, j’ai longtemps hésité, entre parler d’une de mes amours de toujours : Agnès Varda ou Sophie Calle, dont le point commun est qu’elles partent de leur intimité, et qu’elles la mettent en scène pour en faire une oeuvre d’art ; ou d’une de mes amours récentes : Tina Fey ou Sophie-Marie Larrouy, dont les livres Bossypants et L’art de la guerre 2 m’ont bouleversée autant qu’il m’ont fait rire.
Je remarque d’ailleurs que celles qui m’inspirent sont des femmes, qui parlent d’elles — très original pour l’artiste de stand up que je suis.
Bref, le suspens est intense, j’imagine, mais j’ai fait mon choix, roulements de tambour…
J’ai découvert Sophie Calle par hasard, au détour d’une librairie où je traînais sans but précis comme toujours lorsque je suis dans une librairie : j’ai peur des livres. Enfin plus précisément, je ne sais jamais quoi acheter, alors j’ai peur de me tromper et d’en choisir un que je ne lirai pas. C’est une sorte de complexe, du coup, je traîne, j’ouvre mille livres, je lis les coups de cœur des libraires, je juge les couvertures, les noms, la police, la photo, et souvent je repars avec : rien. Par peur d’être déçue.
Mais là, après sûrement 45 minutes d’errance à me maudire de ne pas être assez intellectuelle — décidément Marine, tu es vraiment nulle, même pas capable de choisir un livre, même un connu que tout le monde aime t’y arrives pas — mon regard s’est posé sur Des histoires vraies.
La couverture — une petite fille —, des textes courts, des anecdotes, des photos. J’en ai lues, une, deux, trois, j’ai acheté le livre et ai décidé instantanément qu’il serait mon cadeau à tous les anniversaires du monde auxquels je serais invitée. Je suis tombée amoureuse de Sophie Calle et de son travail, comme ça, en un claquement de doigt.
Naïvement, j’ai pensé que je découvrais une jeune autrice qui avait écrit un livre peu commun. C’est alors que j’ai réalisé qui était vraiment Sophie Calle, en la lisant, en cherchant la moindre information sur elle, sur son parcours, sur son travail.
Je n’étais décidément pas une intellectuelle.
Pour faire simple, voici ce que dit son Wikipédia :
Sophie Calle, née à Paris le 9 octobre 1953, est une artiste plasticienne, photographe, femme de lettres et réalisatrice française.
Son travail d'artiste consiste à faire de sa vie, et notamment des moments les plus intimes, une œuvre. Pour ce faire, elle utilise tous les supports possibles : livres, photos, vidéos, films, performances, etc.
Et, croyez moi, c’est merveilleux.
Sophie Calle, elle part de ses hontes, de ses fantaisies, de ses exploits, et elle en fait des œuvres d’art.
Elle se fait larguer par mail, et cela donne Prenez soin de vous : la lettre, vue par 107 femmes, en fonction de leur métier : des photos, des films, des textes. La mode est au mot « sororité », Sophie Calle l’avait déjà explorée dans cette exposition.
Elle trouve un répertoire téléphonique, elle mène une enquête sur la personne à qui il appartient, en appelant tous les numéros qu’il contient.
Sa maman décède : elle filme le moment, choisit des extraits de son journal, des photos, brode le dernier mot de sa mère sur des rideaux, et même le faire part de décès, l’inventaire émouvant et drôle des dernières fois de sa mère, devient Art. Rachel, Monique est depuis mon oeuvre d’art préférée de Sophie Calle.
Elle a passé une nuit blanche en haut de la tour Eiffel et des gens se sont relayés pour lui raconter des histoires afin qu’elle ne s’endorme pas. Elle a pris en photo ses cadeaux d’anniversaire, chaque année. Lorsqu’elle a été en panne d’idées elle a suivi le conseil d’un vieux panneau publicitaire et a demandé l’avis de son poissonnier. Elle est devenue femme de chambre pour photographier chaque jour les mêmes chambres habitées par des gens différents. Paul Auster s’est inspirée d’elle pour créer un personnage dans un de ses romans, alors elle lui a demandé de faire le travail inverse. Il a écrit des choses et elle l’a fait dans la vraie vie : elle est devenue le personnage qui avait été écrit à partir d’elle.
Parfois, aussi, elle ne part pas d’elle, comme dans son exposition Voir la mer dans laquelle elle a amené à la mer des gens qui ne l’avaient jamais vue. Elle les filmait pudiquement de dos lors de cette découverte. Une fois qu’ils avaient passé un peu de temps devant l’eau et les vagues, ils se retournaient en ne disant rien. Puissant.
Je pourrais continuer sans fin à vous lister ses œuvres, je pourrais essayer d’analyser pourquoi elle est géniale et essayer de vous faire des phrases compliquées sur son travail, mais en réalité, je vous inviterai juste à, si vous en avez l’occasion, aller dans votre bibliothèque la plus proche, et à emprunter les livres de ses expos, qui sont aussi géniaux à lire que les expositions le sont à voir. On sent chez elle une liberté folle, dans la création mais aussi dans sa vie. J’ai parfois l’impression qu’elle tourne un peu en rond sur certaines questions, comme dans sa dernière expo au musée de la Chasse, mais c’est parce que j’attends beaucoup de son travail, je crois : j’aime tellement sa créativité que revoir quelque chose que je connaissais déjà d’une expo dans une autre, me frustre. J’aimerais toujours découvrir son travail.
Je trouve chanceux ceux qui ne la connaissent pas encore. Je suis jalouse de vous qui, peut-être, ne connaissez pas Sophie Calle, et qui, je l’espère, auront envie de la découvrir en lisant ces quelques mots sur son travail.
Souvent, on reproche à l’art contemporain de n’être pas accessible, de n’être pas compréhensible, de se la péter un peu, quoi.
Sophie Calle, elle fait pour moi le même travail qu’un humoriste : montrer une part d’elle en espérant que cela fasse écho chez d’autres gens. et, oh, comme ça fait écho chez moi…
Foncez la découvrir. Mais savourez, d’accord ?
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Waouh, on ressent vraiment une énorme admiration pour l'artiste, à travers cet article, bravo !
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