31 chambres à soi #4 | Gwenaëlle Aubry par Léopoldine HH
Un portrait d'autrice par jour écrit par une femme durant le mois international des droits des femmes
Photo Léopoldine HH © Nicolas Nova
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À l'occasion du mois international des droits des femmes, 31 femmes d'exception vous proposent de partir durant tout le mois de mars à la rencontre de 31 autres femmes, toutes autrices, aussi talentueuses et impressionnantes que les premières.
Ainsi, chaque jour, pendant un mois, sur La Voix du Livre, découvrez un portrait d'une autrice, française ou étrangère, contemporaine ou historique, de littérature générale, jeunesse, musicale ou illustrée, écrit par une invitée, qu'elle soit autrice elle aussi ou bien illustratrice, blogueuse, chanteuse, dramaturge, comédienne, professeure, youtubeuse...
C'est parti pour un mois d'exploration de 31, voire 62, chambres à soi, ces lieux immanquables de littérature où les femmes trouvent, enfin, leur place.
Jour 4 : Léopoldine HH présente Gwenaëlle Aubry
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Chère Gwenaëlle Aubry,
Je vous écris. Oui. Pour Personne. Est-ce qu’un livre marque une vie parce que le hasard le met sous vos yeux au bon moment ? Je le crois. Je le crois pour moi et Personne. Le hasard m’a chopée ! Je vous raconte ? Tout commence comme ça : la radio parle de Personne. Je file à la librairie où, sur la première table, Personne m’attend, bleu. Je touche sa couverture granuleuse. J’ai envie de ce livre. Me réjouis. M’y enfouis. L’alphabet de Personne m’immerge dans une certaine mélancolie troublante, mais apaisée. Dès le A, je ressens effectivement un trouble. Le lecteur s’identifie-t-il forcément aux personnages du livre qu’il lit ?
Aujourd’hui j’ai vingt-cinq ans. Je n’ai l’âge d’aucune des figures de votre livre, et pourtant : je m’y rencontre ! et mon papa ! et d’autres personnes ! Mon papa. IL N’EST PAS MORT ! Je lis Personne et y cherche, y déniche, y éclate mon père ! Ça, Gwenaëlle Aubry, c’est magique. C’est éprouvant. J’aime la générosité de votre plume à cet endroit. La grandeur de la folie que vous décrivez. Je m’attache à cette complexité du rapport père-fille. Fouiller les recoins ombrageux d’un tel lien, les souvenirs, j’aime par-dessus tout que vous posiez des questions, que vous ne donniez pas de réponses, et que vos phrases ne s’achèvent pas forcément par un point. Je prends ma pause après le « i illuminé ». Trouble à nouveau. Le « moi toujours échappé ». Pour la première fois de ma vie, je ressens, après ce i, une illumination philosophique ! WAOUH ! L’importance de cet instant pour ma vie ! Entrouvrir la porte de la philo, cette porte récalcitrante, que j’avais tenté de défoncer au lycée des Pontonniers. Page dix-sept : « À travers ce livre, je le retiens, je l’ancre sur ma rive. » Ces mots me sont chers. Ils sont le vent qui souffle dans les voiles de mes pirates préférés, mon papa, mes proches, mes lointains géographiques. Le chapitre « E Enfant » rameute le bateau du gang ALPJ et les souvenirs fondamentaux qui nous font tenir debout, le bouclier des intempéries de la vie, le théâtre de Simon, Florent, Richard, Charly. Personne m’oblige à les nommer, à les écrire. Personne me rapproche de ma terre, mon Heimat, me rapproche de l’enfant, là, en moi.
Une mélancolie apaisée.
Personne c’est mon premier rapport intime à un livre. Bleu et rugueux. Vous débarquez, avec Personne, et me donnez une saveur, un goût ! Gwenaëlle, je découvre avec vous un tout nouveau rapport à la littérature. Les mots comme nourriture. Un plaisir ! Oh ! me remplir de votre alphabet, vos images, et être assaillie de questions, de millions de questions ! Je m’ancre.
Merci.
Le texte que vous avez pu lire a d'abord été publié en 2010 dans le cadre de la publication Poste restante, édité par la librairie international Kléber de Strasbourg.
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Léopoldine HH est une chanteuse, compositrice et musicienne d'origine alsacienne. Passée rapidement dans La Nouvelle Star, elle a fini par s'imposer avec un style bien à elle, à la fois surréaliste, espiègle, loufoque et parfois mélancolique. Son premier album, Blumen Im Topf , écrit dans trois langues (français, allemand et alsacien), est sorti en 2017 et a précédé une tournée de concerts dans toute la France.
Que d'émotion dans ce texte. Oui, un livre, de simples lettres imprimées sur du papier, peuvent toucher en plein coeur et relier auteur et lecteur d'une façon magique !
RépondreSupprimerOui très beau portrait... Et je te conseille grandement sa musique !
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