14 mai 2021. À celles et ceux qui savent aimer
« J’ai quel âge pour toi ?
- L’âge de ceux qui savent aimer. Ça, je le sais depuis le début. »
14 mai 2021.
À celles et ceux qui savent aimer, ce roman est pour vous.
Vous verrez, il se lit d’une traite – moi je l’ai fait sous la couette – et parle à tous les cœurs qui se laissent l’espace de battre, très fort. C’est pour ça que j’ai pensé à vous, vous qui savez aimer.
Vince vous avait peut-être déjà touché, vous aussi, dans Romance, qui raconte l’histoire d’amitié puis d’amour entre Octave et Vince – avec toutes les vagues qui font un premier amour et une passion dévorante.
Moi, j’avais été saisi, déjà, par la justesse des sentiments de ses personnages adolescents, notamment :
- Le désir, bien sûr, et toutes ces scènes carrément chaudes qu’Arnaud Cathrine écrit avec une grande sensualité ;
- Et l’intensité – vous avez maintenant qu’elle définit pour moi la littérature ado.
Cette intensité-là, Arnaud Cathrine la montre je crois dans la joie toute passionnelle de l’amour que Vince ressent pour Octave, et (attention spoiler) dans la tristesse toute destructrice qu’il ressent quand il le quitte. Il y a un an, j’avais écrit à mon amie Audrey qui l’avait lu juste avant moi que « Putain c’est beau, cette intensité-là » et que ça me rappelait que je ne voulais pas perdre ça. « C'est peut-être normal, en grandissant, mais on peut en garder un bout je pense. :) »
Et c’est exactement ce que j’ai aimé dans Les nouvelles vagues (et dont on a discuté, encore, avec Audrey) : Vince a ça auquel je m’identifie de ressentir les choses à 100%, qu’elles soient mauvaises ou heureuses. C’est l’intensité, mais pas seulement adolescente, juste celle, je crois, de ceux qui ont choisi d'aimer. Vous qui savez aimer, vous comprenez, non ?
Dans Les nouvelles vagues, Arnaud Cathrine met en scène Vince quelques mois (attention spoiler) après sa rupture avec Octave. Et en même temps qu’il essaie de l’oublier – en vain – il tombe de nouveau amoureux quand il rencontre Micha (joyeux personnage trans, attachant et ô combien politique). Dans la deuxième partie des Nouvelles vagues, on découvre Marylin, une nouvelle héroïne, jeune adolescente qui, à l’aune de ses premiers désirs et émois amoureux, a peur de la sexualité… et des garçons.
Avec ces personnages, Arnaud Cathrine évite et répare en même temps ce qui faisait selon moi défaut au premier tome : quelques personnages inachevés. On ne les retrouve pas tous c’est vrai (je pense notamment à Pablo) mais on en comprend mieux d’autres (Octave, notamment, [attention spoiler] qu’on comprend enfin être juste un mec complètement paumé) et les nouveaux touchent sans détour (faites-moi confiance).
Par ailleurs, là où le premier tome avait le motif plus classique, mais traité avec toute la sensibilité qui caractérise Arnaud Cathrine, d’une histoire d’amitié aux limites floues et à la passion dévorante (à la Matthias et Maxime de Xavier Dolan), ce nouveau volet va plus loin encore. Arnaud Cathrine l’expliquait lors d’une rencontre à la librairie « Les mots à la bouche », le 8 avril dernier : il veut faire un portrait de la jeunesse contemporaine. Et c’est vrai que vous lirez dans Les nouvelles vagues :
- Le chemin de plusieurs (très beaux !) personnages aux problématiques différentes mais à l’axe central similaire : l’identité, la recherche profonde et intime de soi ;
- Un vrai respect, une émotion sincère pour la jeunesse d’aujourd’hui. Une jeunesse libre qui cherche à « être le plus près de soi » dès l’adolescence, parfois même dès l’enfance.
Seulement deux détails ont réussi à me sortir un peu de ce roman qui se lit comme un page turner : une zone de floue non élucidées de l’histoire de Marylin, ou le name dropping de références plutôt adultes qu’Arnaud Cathrine affectionnait déjà dans le premier tome (et qu’il revendique dans ses interviews)… Oui, je vous adresse ce roman car cela faisait si longtemps que je n’avais pas été aussi bouleversé en lisant ! Et je crois que vous le serez aussi. En tout cas, moi, j’en suis ressorti comme d’un rouleau à l’océan : complètement rincé, les joues salées et le cœur secoué.
Avec Romance, Arnaud Cathrine comblait déjà un vide : celui de romances gays, d’histoires de cœurs torturées, de vraies passions adolescentes LGBT+ pour les adolescent·es. Cependant, il y avait pour moi deux manques à cette diversité :
- la représentation de personnages LGBT+ hors Paris ;
- (attention spoiler) ça finit mal, encore. (Même si 1) ça pourrait aussi être la fin de n’importe quelle histoire d’amour adolescente qui se déchire et 2) il reste important, encore aujourd’hui, de représenter les violences LGBTphobes qui sont loin d’avoir disparues.)
Mais je ne le reproche pas à Romance : le problème vient plutôt du manque criant de roman(ce)s LGBT+ varié(e)s (chères et chers éditeurs pour ados, coucou !)
De plus, Arnaud Cathrine propose avec Vince un personnage LGBT+ très juste : il a l’intensité de l’adolescence et la lucidité de l’adolescent en marge. (Attention spoiler) Dans son chagrin d’amour, il est à la fois très adolescent (il est intense, il croit mourir de peine) et très adulte, avec une grande prise de recul sur lui-même… Et c’est très représentatif d’un personnage LGBT+ : quand on est en marge, on est un peu forcé de grandir plus vite. Vince alterne ainsi délicatement entre ce recul sur soi et ses réactions très spontanées, presque enfantines.
Avec Les nouvelles vagues, Arnaud Cathrine va encore plus loin, et ces deux tomes dessinent donc ensemble avec une grande sensibilité le spectre (infini !) de nos identités. Cette ode à la littérature, aux histoires et aux nouvelles vagues, est ainsi également celui d’une jeunesse diverse, éclectique et éclatante. D’ailleurs, Arnaud Cathrine a déjà annoncé un troisième tome choral, avec une demi-douzaine de personnages au moins… Et on a bien besoin en ce moment, de promesses aussi belles. Moi, en tout cas, j’en tremble déjà d’impatience et d’émotion.
Et vous, vous qui savez aimer, vous êtes prêt·es pour les nouvelles vagues ?
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